Comprendre l'effet d'événement unique (SEE)
Les instruments spatiaux emportent de nombreux dispositifs électroniques, notamment des microprocesseurs, des registres de circuits numériques, etc. Si une particule chargée venue de l'espace heurte un nœud sensible d'un circuit électronique, elle peut provoquer une perturbation ou des dommages permanents. Cet article vise à expliquer ce problème. Notre Soleil émet un grand nombre de particules chargées et non chargées, notamment des protons, des ions lourds et des neutrons. Par ailleurs, un flux de particules chargées provenant des rayons cosmiques bombarde constamment la Terre. Nombre de ces particules chargées sont piégées dans le champ magnétique terrestre et tournent constamment autour de la planète. La ceinture de Van Allen, qui piège ces particules chargées, est illustrée à la figure 1.
Figure 1 : Ceinture de Van Allen de la Terre (image Wikipédia)
Comme le montre la figure, le champ magnétique terrestre est légèrement décalé par rapport à l'axe de la planète et la ceinture de Van Allen est composée d'une ceinture intérieure et d'une ceinture extérieure. De plus, les neutrons atteignant la surface de la Terre pourraient également entrer en collision avec un atome et produire une particule chargée secondaire destructrice [Référence 1]. Si les précautions nécessaires en matière de blindage des instruments spatiaux ne sont pas prises, la particule chargée frappant un nœud sensible du circuit pourrait infliger des dommages temporaires ou permanents. Ces effets nocifs sur les circuits électroniques peuvent être classés dans un phénomène appelé « événement à effet unique » (EES), qui peut être subdivisé en sous-catégories comme suit :
● Trouble d'événement unique (SEU) : un effet transitoire, affectant principalement les souvenirs
● Événement transitoire unique (SET) : une impulsion temporaire traverse le circuit. On ne peut rien y faire.
● Single Event Latchup (SEL) : peut détruire le composant, affectant principalement le CMOS
● Rupture de porte à événement unique (SEGR) : potentiellement destructrice, affectant la structure submicronique
● Single Effect Breakdown (SEB) : A un impact destructeur, affectant principalement les MOSFET de puissance
Certains de ces effets sont uniquement perturbateurs, comme SEU et SET, et d'autres peuvent détruire définitivement un circuit comme SEL, SEGR et SEB.
Des tests de contrôle de la qualité des circuits sont nécessaires avant le lancement des instruments spatiaux afin de déterminer où se trouvent les nœuds sensibles et également de se protéger contre l'impact des particules chargées.
La figure 2 montre une particule chargée frappant un circuit électronique et créant des paires électron-trou le long de son chemin.
Figure 2 : Particule chargée frappant un circuit intégré et créant des paires électron-trou le long de son trajet
Lorsque la particule chargée frappe comme indiqué dans la figure 3, les éléments séquentiels tels que les registres à décalage peuvent être perturbés par SEU, provoquant un bit inversé (indiqué en rouge) et les éléments combinatoires tels que les portes ET/OU peuvent être affectés par un SET qui peut à son tour perturber un autre élément séquentiel plus loin.
Figure 3 : Effet de SEU et SET sur les éléments séquentiels et combinatoires d'un circuit intégré [Référence 2]
Pour assurer la protection contre ces particules chargées, les circuits intégrés peuvent être recouverts d'un revêtement dur ou des substrats supplémentaires tels que le silicium sur saphir (SOS) ou le silicium sur isolant (SOI) peuvent être utilisés. Cependant, certains nœuds du circuit étant plus sensibles que d'autres, des tests doivent être effectués avant le lancement de l'instrument spatial afin de localiser précisément ces nœuds sensibles ou de vérifier si le durcissement aux radiations appliqué est suffisamment efficace pour protéger le circuit intégré contre les radiations d'impact. Les tests de radiation peuvent être effectués soit dans un accélérateur de particules tel qu'un synchrotron ou un cyclotron, où les particules chargées sont accélérées pour simuler l'énergie des particules solaires/cosmiques, soit à l'aide de lasers pulsés ultracourts de l'ordre du picojoule/nanojoule. La méthode de l'accélérateur de particules est plus réaliste, mais présente plusieurs inconvénients, notamment son coût élevé et le risque de dommages permanents au circuit. La méthode optique est plus simple à mettre en œuvre et moins coûteuse, mais présente plusieurs inconvénients. Ces inconvénients incluent l'incapacité du rayonnement optique à pénétrer le métal et l'impossibilité de mesurer le seuil SEE [Référence 3]. La figure 4 montre le faisceau optique pénétrant la partie non métallique d'un circuit intégré et générant des paires électron-trou en cours de route.
Figure 4 : Pénétration du laser pulsé dans le circuit intégré et génération de paires électron-trou déclenchant l'effet d'événement unique (SEE)
Pour les tests optiques, on utilise généralement un laser proche infrarouge avec une fréquence de répétition de quelques kHz, une énergie d'impulsion de l'ordre du picojoule/nanojoule et une largeur d'impulsion de quelques centaines de femtosecondes à une picoseconde. Un microscope sensible, un capteur CCD et une caméra InGaAs sensibles, ainsi qu'une platine de positionnement très sensible, permettent de localiser les points sensibles. Certains avantages et inconvénients de la méthode optique ont été brièvement évoqués précédemment, mais d'autres sont détaillés ci-dessous :
● La méthode optique est limitée par la limite de diffraction en ce qui concerne la taille focalisée du faisceau. Pour un faisceau proche infrarouge de 1 064 nm, la limite de diffraction est d'environ 1 micron et doit donc être prise en compte.
● Les lasers peuvent se concentrer sur l'appareil, en particulier sur la puce IC avec une résolution submicronique.
● La méthode optique est facile à mettre en place n'importe où dans un laboratoire, contrairement à la méthode de rayonnement qui nécessite un déplacement coûteux vers un accélérateur spécifique qui peut être éloigné.
● La technique optique est parfaite pour le tri ou le pré-tri des produits commerciaux sur étagère (COTS).
Bien que la technique optique ait été comparée à la technique par rayonnement, il est important de souligner qu'elle n'a pas vocation à la remplacer. Elle se veut plutôt complémentaire de la méthode par rayonnement. Comme mentionné précédemment, la méthode optique ne permet pas de mesurer le seuil de perturbation absolu, mais le seuil de perturbation laser peut être comparé à celui du faisceau d'ions. On suppose que les différences relatives restent constantes tout au long des mesures ; par conséquent, toutes les mesures ultérieures peuvent être effectuées avec le laser [Référence 4]. L'étalonnage de la méthode optique par rapport à la méthode par rayonnement et la corrélation entre les deux méthodes seront abordés dans une prochaine note technique.
Un autre facteur à prendre en compte lors des tests optiques est la possibilité d'absorption à deux photons (TPA) par rapport à l'absorption à un seul photon (SPA). Si l'énergie du rayonnement incident est supérieure à la bande interdite du silicium (1,1 eV), une SPA se produit. En revanche, si l'énergie des photons est légèrement supérieure à la moitié de la bande interdite (~0,55 eV), il est possible que deux photons soient absorbés et déclenchent l'EES. La longueur d'onde correspondant à la bande interdite du silicium est de 1 127 nm ; par conséquent, pour une absorption à deux photons, la longueur d'onde du laser doit être supérieure à cette longueur d'onde. La TPA est un processus non linéaire et sa probabilité d'occurrence est bien inférieure à celle de la SPA. Cependant, elle présente l'avantage d'une profondeur de pénétration illimitée et d'une énergie bien déposée dans la zone focale grâce à l'absorption non linéaire. La figure 5 illustre le processus de TPA et sa comparaison avec la SPA.
Figure 5 : Comparaison de SPA et TPA
Allied Scientific Pro a conçu un System de test SEE Ce système utilise un laser proche infrarouge (NIR) ainsi que des caméras CCD et SWIR sensibles. Il est également équipé d'une platine de positionnement très sensible et d'un objectif de microscope permettant au faisceau de se déplacer autour du circuit intégré sur des distances submicroniques. La figure 6 illustre ce système de test.
Figure 6 : System de test SEE
Le système utilise l'éclairage Kohler pour une imagerie sans ombre à contraste élevé et un système d'imagerie avec plus de 1,5 mégapixels pour l'éclairage avant et arrière.
Références
1- Jeffry Wyss, neutrons pour les études de dureté des radiations, effets d'événements uniques induits par les neutrons, novembre 2009.
2- Fernanda Lima Kastensmidt, Atténuation SEE pour la conception de circuits numériques applicable aux ASIC et aux FPGA, présentation en ligne.
3- Feng Liang et Steeve Lavoie, 2 Photons ; Station de travail pour les tests laser des effets d'événements uniques (SEE) sur les dispositifs semi-conducteurs durcis aux radiations
4- Stephen Buchner, Simulation laser des effets d'événement unique : un état de l'art, 1995.